“ Je voudrais trouver ma place” : cette phrase a longtemps tourné en boucle dans mon esprit après mon burn-out. Aujourd’hui, je la croise souvent sur internet, je l’entends en coaching, et je n’en finis plus d’être ciblée par des programmes en ligne qui me le promettent : avec eux, c’est sûr, je vais “trouver ma place”, ma mission de vie.
Il m’a fallu du temps pour mettre le doigt sur ce qui me gênait avec cette expression. Quand d’un coup tout s’est éclairé : au fond, je crois que trouver sa place, ça n’existe pas. Je vous explique pourquoi.
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Trouver sa place : une rassurante illusion
C’est rassurant…et ça fait vendre
Trouver sa place a un côté très rassurant : comme une pièce de puzzle qui s’emboîterait soudain parfaitement, comme un fauteuil confortable, fait sur mesure pour nous, dans lequel on pourrait s’enfoncer avec délice. J’ai longtemps couru après cette idée, en me disant qu’ensuite tout irait bien, que je pourrais enfin me poser puisque tout serait “en place”. Je ne suis donc pas étonnée qu’on utilise cette phrase à toutes les sauces en marketing : l’idée de trouver sa place fait vendre. Et si possible il faudrait la trouver assez vite, car le temps file…
Pourtant, il me semble que la réalité, on la connaît bien : après avoir relevé un défi…on passe au suivant. Et qu’un fauteuil, si confortable et moelleux soit-il, finirait par devenir une prison si on nous disait qu’on était pour toujours condamné à y rester, puisqu’il est “notre place”.
La destination pour unique objectif
Trouver sa place, ce serait donc la destination ultime de notre vie. Celle vers laquelle on devrait tendre coûte que coûte. Et le chemin pour y arriver alors ? Comme souvent, on le néglige, on en parle peu. Parce que c’est fastidieux, long, pénible, parfois encombré, parfois plein de bosses, un chemin. Alors que la destination, elle met des paillettes dans les yeux.
En 2018, j’ai couru un marathon. Pendant des mois, je me suis entraînée avec une idée en tête : les secondes où je passerais la ligne d’arrivée. Je m’imaginais, épuisée mais émue, vivant un moment d’une intensité folle. Imaginer cette arrivée m’a portée pendant toutes mes sessions d’entraînement. J’avais simplement oublié un petit détail : avant de franchir la ligne d’arrivée, il me faudrait courir 42 kilomètres. Un par un. Et seule la somme de ces quelques 60 000 pas pourrait me rendre fière, pas seulement les 3 secondes de la fin.
Durant cette course, que j’ai du coup assez mal vécu, je suis passée par plusieurs états : la joie, la fierté, la détermination, le découragement, la fatigue intense, le ras le bol total. Comme autant de chapitres nécessaires pour pouvoir savourer l’arrivée à sa juste valeur.
Tout comme j’aurais aimé qu’on me prévienne que le marathon c’était avant tout l’entraînement et les dizaines de kilomètres avant la ligne d’arrivée, j’aimerais insister sur le fait que se sentir bien dans sa vie n’est que le résultat d’une succession d’apprentissages. Pas un hypothétique état de grâce qu’on atteint un beau jour.
Le vivant, ça bouge !
Si vous lisez ces mots, c’est qu’a priori, comme moi, vous êtes vivant. Félicitations ! Et le vivant, par nature… ça bouge, ça remue, ça change, c’est impermanent, jamais immobile. Nous ne sommes pas le même humain à 20 ans, 40 ans, 60 ans. Nous ne sommes même pas le même humain qu’hier ou que demain.
Comment pourrait-on alors s’imaginer qu’à tous ces états de notre être correspond UNE seule place ? Comment cette place unique, si tant est qu’on la trouve un jour, resterait-elle confortable pour un être en constant changement ?
Faire honneur au vivant en nous, c’est avant tout ne pas essayer de le figer. Et en cela accepter qu’il est impossible de se sentir confortablement installé à une place pour toute la durée de notre existence. Et c’est parfaitement normal !
Chercher “sa place” c’est donc poursuivre un idéal qu’on n’atteindra probablement jamais, ce qui peut sérieusement faire obstacle à notre bonheur. Car je ne connais pas de meilleur moyen de se sentir en échec et perdu que de chercher de toutes ses forces quelque chose qui n’existe pas.
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Si on ne cherche pas sa place, on fait quoi alors ?
Se connaitre et connaitre ses besoins
Si je ne suis pas convaincue qu’on puisse un jour “se trouver”, je crois en revanche qu’on à tout à gagner à se connaître. A connaître nos envies, nos désirs, nos peurs, nos doutes. A les entendre et à leur faire une place, indépendamment de ce qu’en pensent les autres, nos parents, les réseaux sociaux. Cet apprentissage ne se fait malheureusement pas encore à l’école. Mais je crois qu’on a tous la capacité à développer cette écoute de soi, cette liberté intérieure et à la transmettre comme un don aux générations à venir.
La connaissance de soi passe aussi par l’identification de nos besoins. Car le métier qu’on exerce n’est finalement qu’une stratégie, comme il en existe des dizaines d’autres, pour satisfaire des besoins essentiels qui, eux, sont universels. Alors, de quoi avez-vous besoin dans votre vie ? Est ce d’accomplissement, d’authenticité, d’autonomie, de confort, de contact physique, de sécurité, d’intensité, de sérénité ?
En prenant le temps de répondre à cette question, on détermine ce qui nous fait vibrer et avancer, notre “pourquoi” dans la vie.
Chercher un chemin plutôt qu’une place
Trouver sa place a quelque chose de définitif : tu trouves ta place, puis tu t’y tiens, puisque c’est la tienne. Et si elle devient inconfortable ? Ai-je encore le droit de changer ?
J’ai longtemps cru que je n’en avais pas le droit, et cela m’a mené tout droit au burn-out. Alors seulement j’ai compris que cette place que j’avais choisie et appréciée pendant des années n’était tout simplement plus alignée avec mes besoins.
Je crois davantage à l’idée du chemin qu’à celle de la “place”. Un chemin de vie, constitué de plusieurs étapes qu’on ne peut pas toutes déterminer à l’avance. On peut simplement se demander, dès aujourd’hui : c’est quoi, ma prochaine étape ?
Comme dans une histoire d’amour, il me semble primordial de s’autoriser à vérifier régulièrement qu’on est toujours aligné avec l’autre, qu’on grandit toujours dans une même direction, comme deux pieds de vigne côte à côte. Notre travail actuel est-il toujours aligné avec la personne que l’on est ? Si la réponse est non, cela peut sembler décourageant de retrousser ses manches pour se mettre en route vers la prochaine étape. J’essaie alors de me dire : ne pleure pas parce que c’est fini, souris parce que c’est arrivé. Avec gratitude pour ce que cette étape t’a appris.
Accepter l’impermanence des choses
On l’a dit, le vivant est par nature impermanent. Lutter contre cette idée revient à nager à contre courant : c’est épuisant et inefficace. J’en ai pris conscience en échangeant avec deux personnes dont je pensais profondément qu’elles avaient “trouvé leur place” : Clara, la fondatrice de Vénus & Gaia que j’ai eu la chance d’interviewer, et Frank Meunier-Spitz, mon ancien collègue qui a ouvert une Biocoop.
Alors que je les interrogeais sur leur parcours il y a quelques mois, ils m’ont tous les deux répondu la même chose :
“Aujourd’hui, j’aime ce que je fais et je me sens bien. Mais je ne sais pas où j’en serai dans deux ans ! Et je suis en paix avec ça. “
Et si finalement, le plus grand secret de ceux qui ont trouvé un équilibre c’était de savoir que cette réponse ne se conjugue qu’au présent ?
J’ai conscience que cette idée peut être inquiétante, voire décourageante : alors comme ça je vais devoir déjà repartir en quête de ma prochaine étape ? Eh oui ! Et peut-être même qu’on pourrait trouver ça enthousiasmant plutôt que flippant, puisque c’est précisément cette aventure-là qui fait le sel de la vie !
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Pourquoi ça change tout de ne pas chercher “sa place” ?
S’autoriser une singularité…au pluriel !
Cette histoire de “place” au singulier me titille car au fond, je me sens plurielle : j’écris sur ce blog, j’anime un podcast, je me forme à l’accompagnement, je fabrique un petit humain, j’accompagne des entrepreneurs en marketing,… Et toutes ces facettes, c’est mon moi… du moment ! Pourquoi vouloir y apposer une étiquette unique ?
Pourquoi vouloir se limiter à une place, un rôle, un métier quand on sait la merveilleuse richesse et la pluralité des possibilités de l’humain ? M’offrir l’autorisation d’être plurielle est l’un des plus beaux cadeaux que je me suis fait. Le cadeau d’une confiance en ma petite voix qui me guide vers des projets qui m’enthousiasment sans me demander si “c’est cohérent”, le cadeau aussi d’une protection contre l’épuisement. Je m’autorise désormais à ne plus avoir envie de quelque chose qui m’a enthousiasmé pendant des mois ou des années, et j’accueille cette évolution et les déviations qui l’accompagnent. Car c’est aussi ça, la réalité des parcours professionnels d’aujourd’hui : les actifs qui se lancent sur le marché du travail aujourd’hui changeront de job au moins 4 à 5 fois au cours de leur vie professionnelle (source : INSEE 2019).
“Connecting the dots”
J’ai longtemps cru inconsciemment qu’en changeant de métier ou de projet, on jouait un joker : un joker de crédibilité aux yeux des autres, principalement. Lorsque j’ai senti l’épuisement monter en 2019, j’avais l’impression d’avoir déjà joué mon joker un an avant en changeant d’entreprise, j’ai donc décidé de serrer les dents. Par peur de passer pour quelqu’un d’indécis, de pas sérieux, de faible, j’ai mis durablement ma santé en danger. Cette étape, si douloureuse, m’a permis de comprendre qu’on a le droit de jouer autant de jokers qu’on se l’autorise.
J’avais une autre peur à l’époque : celle d’avoir fait 10 ans de marketing “pour rien” en recommençant à zéro. Quel gâchis ! Cette vidéo d’un discours de Steve Jobs a éclairé cette idée d’un jour nouveau. Ce n’est pas parce qu’à l’instant T je ne vois pas de lien entre mes différentes expériences de vie qu’il n’y en a pas ! Au contraire, il y a fort à parier qu’à un moment donné tout va se connecter naturellement. Comme cette amie d’amie, ancienne avocate qui a tout plaqué pour faire du théâtre. Et qui, deux ans plus tard, réalise que le théâtre ne la fait plus vibrer… Et devient coach en aisance orale pour les candidats au barreau de Paris !
Steve Jobs appelle cela “connecting the dots”, et la particularité de ce procédé, c’est qu’on ne peut le voir qu’à posteriori, en regardant en arrière. Il raconte sa propre expérience du sujet, et c’est passionnant. Alors suivez votre coeur, faites les choses que vous aimez, dès aujourd’hui. Et à un moment donné, c’est certain, les points de votre vie seront reliés. Moi j’appelle cela l’alignement, et on y a tous le droit.
La réponse est à l’intérieur
Sous couvert de développement personnel et d’épanouissement, “se trouver” est une énième injonction à la réussite, d’autant plus sournoise qu’elle est déguisée. Face à ce poids qu’on porte sur nos épaules, il est tentant de se tourner vers l’extérieur en quête de conseils pour enfin savoir où est notre place. Mais nous nous sommes tous déjà trouvés ! Nous sommes déjà, chaque jour et à chaque instant, à la seule place qui existe : au centre de nous-même.
C’est pour cette raison précise que je me forme au coaching, avec la conviction profonde des bienfaits de cet accompagnement : car les réponses sont à l’intérieur. On a parfois simplement besoin de quelqu’un qui nous tient la lampe torche pendant qu’on explore : c’est cela, pour moi, le rôle de coach.
Pour conclure, vous l’aurez compris : je crois qu’il est illusoire de chercher une réponse à la question : quelle est ma place ? Je préfère consacrer mon temps à savoir qui je suis, quels sont mes besoins, et quelle est la prochaine étape de mon chemin. Celle qui m’enthousiasme, qui me permet d’avancer vers moi. En acceptant que la réponse qui émerge n’est valable qu’aujourd’hui, mais qu’elle est baignée de la douce lumière des apprentissages d’hier et des surprises que demain ne manquera pas de m’offrir.
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Merci pour cette vision qui est aussi la mienne avoir plusieurs vies en même temps ou à la suite. On a le droit de changer d envie d avis … on évolue on grandit chaque jour que c’est triste de penser qu une seule place existerait pour nous…
Un article qui fait réfléchir. C’est vrai qu’il y a beaucoup de petites phrases comme ça, sensées nous aider à avancer et qui pourtant peuvent être à double tranchant.
Le « trouver ma place », je ne le vois pas comme une chose/lieu fixe. Pour moi cela veut dire trouver ce qui nous rend heureux, ou l’on peut être soi sans artifice. Et cela veut dire que cela va évoluer en même temps que mes besoins et moi-même nous évoluons. Mais n’est-ce pas la même chose pour pleins d’autres trucs dans notre vie? Comme lorsqu’on est avec quelqu’un, on pense avoir « trouver le bon » et pourtant avec les années, il arrive qu’on évolue chacun de son coté, et « le bon » ne l’ai plus.
Je pense que c’est plus qu’il ne faut pas chercher sa place à l’exterieur, mais tout d’abords au fond de soi. Et s’adapter au fur et à mesure pour continuer d’être en harmonie avec ce qui nous constitue et nous rend heureux.
Trouver en soi plutôt qu’à l’extérieur, oui ça me parle 🙂 Merci pour ton passage ici
Bonjour, merci pour cet article qui fait réfléchir et qui anime les débats !
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi mais tout dépend de ce que l’on entend par « trouver sa place » ?! Il est important de trouver sa « mission de vie », une vocation profonde qui nous anime et nous permet d’évoluer dans une bonne énergie. Par mission de vie, il faut comprendre, sauver des vies, réconforter, accompagner, soigner, apporter du bien- être. Ensuite, on peut l’exprimer de n’importe quelle façon et même dans plusieurs activités. Cela n’empêche pas d’être enfermé dans une case mais d’exploiter notre nous « profond » dans tout ce que l’on entreprend. C’est tout aussi important d’être en accord avec ces valeurs et d’évoluer avec des personnes qui les partagent. Le problème vient davantage du fait que la société ne nous apprend pas à nous connaître et à nous exprimer librement. Il faut essayer tant bien que mal de suivre le chemin qu’on nous à imposer de suivre !
Merci Marina ! Ce que tu partages m’évoque un apprentissage de la CNV : les besoins que l’on ressent sont souvent universels (transmettre, réconforter, …), on les hiérarchise seulement de façon différente entre les humains. En revanche les stratégies pour nourrir ces besoins sont multiples, et varient d’une personne à l’autre mais aussi d’une période à l’autre de nos vies…! Et c’est ce qui en fait toute la richesse 🙂
Bonjour,
Merci pour ce bel article qui pousse à la réflexion. J’aime beaucoup l’idée de chercher son chemin au lieu d’une place. ça accorde une belle place à l’évolution et au développement, et ça permet d’éviter l’immobilisme!
Je suis totalement d’accord ! Je suis également coach et quand je parle de ce que je ressens comme « mission » c’est le sens que je trouve à cet instant dans ce que je fais. Ce qui fait écho à mon coeur. Ce qui était un long chemin pour arriver à cette pensée. Cette « mission » n’est pas figée. Elle évolue tout comme le fait que rien n’est acquis. Ce qui est expliqué dans l’article. Nous apprenons à nous connaitre toute la vie 🙂 Merci pour ce partage !
Tout est dit dans cet article … l’utopie de la mission de vie, la place que l’on trouve et puis après etc … mais surtout le fait que nous avons tout à l’intérieur de nous et c’est en le manifestant que se dessine notre chemin de vie … vivre sa vie en pleine conscience, n’est ce pas là une belle mission ?
Merci pour cet article épicé, je crois également qu’il faut avant tout se connaître soi même et être en accord avec ses décisions. Ensuite, trouver sa place dans l’univers c’est effectivement un doux rêve.
Malheureusement comme tu le dit, beaucoup de personne joue sur le marketing pour vendre de l’illusion. Parce que l’illusion c’est beau, ça intrigue et surtout ça fait vendre.
Très belle piste réflexion qui change (enfin ?) de la vision classique. Personnellement je suis convaincu que tout passe par le coeur, et que savoir l’écouter (et faire taire son mental et les idées que l’on nous assène à longueur de temps) n’est pas si évident. Le chemin est plus important que le point d’arrivée … mais ça, on ne le sait qu’à la fin.
Merci Nicolas, mettre le mental en sourdine : vaste défi 🙂
Hello
Je dois avouer que je n’ai jamais vu ou entendu cette expression « trouver sa place »
Je te rejoins quand tu dis fais le lien entre développement personnel et injonction à la réussite.
Je trouve que ça peut être parfois très culpabilisant