On en entend de plus en plus parler : burn out bien sûr, mais aussi bore out (déclenché par le manque de travail) ou brown out (sorte de “démission mentale)… Et si toutes ces syndromes en lien avec le travail n’étaient que les différentes facettes d’une même pièce ?
La question du sens au travail me paraît aujourd’hui au coeur des souffrances des salariés dans la vie professionnelle. 87% des individus accordent de l’importance au sens au travail (selon une étude Deloitte de 2017). Mais au fond qu’est ce qu’on entend par “trouver du sens au travail” ? Pourquoi et comment faire pour le trouver, ou le retrouver ?
LE SENS AU TRAVAIL, QU’EST CE QUE C’EST ?
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Une dimension qui nous dépasse
Le sens au travail, c’est une sorte de destination : quel est le “plus grand que soi” vers lequel on tend ? Comment notre travail s’inscrit t-il dans les enjeux sociaux et environnementaux qui sont les nôtres en 2020 ? Ma définition d’un travail qui a du sens, c’est avoir l’impression que ce qu’on l’on y fait a, d’une façon ou d’une autre, un impact positif sur le monde.
Peu importe le secteur ou le métier
En parcourant les résultats de l’étude Deloitte sur le sens au travail, j’ai été amusée de voir que, lorsqu’on leur demande la source du sens au travail, les répondants ne sont que 2% à parler du produit vendu, 5% du secteur d’activité, et 12% du métier exercé. On pourrait pourtant penser que tout le monde ne peut pas vivre de ses passions. Ou encore qu’il faut bien que le travail, même ingrat, soit fait par quelqu’un. Mais ces chiffres soulignent toute la subtilité du sens au travail : on peut toujours trouver du sens, quelle que soit sa situation, pour peu qu’on se raconte la bonne histoire (on y reviendra plus loin).
Un sujet aussi bien collectif qu’individuel
Le sens au travail est un thème universel, qui intéresse de plus en plus d’individus aujourd’hui. Pourtant, si la question est collective, la réponse me semble individuelle et subjective : ch.acun voit – ou non – du sens dans son travail selon son vécu et ses croyances, et cela relève ainsi quasiment de l’intime que de s’interroger sur le sens de son travail.
POURQUOI EST CE DEVENU SI IMPORTANT ?
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Le travail comme un moyen de se réaliser
Pendant des siècles, le travail était une fin en soi. On travaillait, souvent plus de 12 heures par jour, six jours par semaine, pour obtenir un salaire et ce sans s’interroger plus avant. Aujourd’hui, le travail a changé de fonction : il est devenu pour les individus un moyen de se réaliser, de contribuer à des projets collectifs. En travaillant, on ne cherche plus seulement à faire (ses tâches) et à avoir (une rémunération). On entre désormais dans la dimension de l’être, des valeurs, de l’appartenance au groupe.
30% de notre vie se passe au bureau
S’il reste tout à fait possible d’ignorer la question du sens au travail pour trouver du sens ailleurs (loisirs, engagement associatif, vie de famille…), aujourd’hui, nous passons environ 30% de notre temps au travail. On comprend donc aisément pourquoi trouver du sens au travail peut être une véritable clé d’épanouissement.
Sens au travail, bien-être des équipes et performance
Il me semble que la question du sens au travail est centrale aujourd’hui pour tenir à distance les syndromes d’épuisement (burn out, bore out, brown out). Lorsqu’on ne sait plus quelle valeur on incarne en faisant notre travail, à quoi on contribue et dans quelle mesure cela nous satisfait, le fil qui relie travail et joie se brise. C’est un signal d’alerte fort que quelque chose ne va pas et qu’on est en zone « à risque ».
Pour les entreprises aussi, la question du sens au travail me semble cruciale. En effet, elle est garante de l’engagement des individus et donc de la performance, qui a besoin d’ancrages plus profond aujourd’hui qu’une belle fiche de paie ou un prestigieux intitulé de poste pour s’inscrire dans la durée.
QUATRE CLES POUR TROUVER DU SENS AU TRAVAIL
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Ownership et responsabilité
La question de l’autonomie dans le travail, de l’ownership sur les projets et les décisions me semble centrale : face à des process de plus en plus longs et complexes, des métiers aux intitulés toujours plus techniques, on perd de vue la destination. A titre personnel, il m’est arrivé de bosser des centaines d’heures sur le lancement d’un produit auquel je ne croyais pas sincèrement mais qu’on m’avait donné l’instruction de lancé, puis des centaines d’heures sur l’arrêt…de ce même produit qui n’avait pas fonctionné quelques mois plus tard. De quoi soulever de lourdes interrogations sur l’impact et la valeur réelle du travail qu’on accomplit.
L’histoire qu’on se raconte
On l’a vu : les individus n’établissent pas de lien très fort entre le sens de leur travail et le produit vendu, le secteur et même le métier. Dès lors, ce qui compte le plus à mon sens, c’est l’histoire qu’on se raconte à propos de son travail. Et ça n’a rien de péjoratif, je ne parle pas ici d’une histoire comme d’un petit mensonge confortable, mais véritablement de notre fable intérieure. Notre façon singulière et authentique de contribuer au monde, et qui nous procure de la joie. Si vous n’avez jamais fait l’exercice, ça peut être intéressant de se poser la question : quelle est l’histoire que je me raconte sur mon travail, quelle mission je me donne ? Quel plaisir est ce que j’y trouve ? Comment pourrait elle s’améliorer ?
Et cela fonctionne pour tout le monde. Un bon exemple récent que j’ai entendu : l’interview de Clémentine Alzial, CEO de Valrhona, sur l’excellent podcast Le Gratin. Travailler pour un grand industriel qui fabrique du chocolat, voilà une histoire qui pourrait n’avoir pas beaucoup de sens sur le papier. Et pourtant, quand Clémentine en raconte sa version, je me suis sentie totalement embarquée : “Ensemble, faisons du bien, avec du bon. Au sein d’une filière cacao juste et durable, en accompagnant les clients vers une gastronomie responsable”. C’est l’histoire de la CEO, mais je pense qu’elle peut être appropriable par chaque membre de ses équipes, qui y apporteront chacun leur touche personnelle.
Vision et valeurs de l’entreprise
L’exemple de Valrhona souligne combien l’histoire qu’on se raconte en tant qu’individu vient s’appuyer sur l’histoire de l’entreprise pour laquelle on travaille, sur ses valeurs et ses croyances. D’où l’importance et l’urgence à mes yeux pour les entreprises d’aujourd’hui de créer un cadre de travail authentique, avec des valeurs fortes, auxquelles les collaborateurs adhèrent et contribuent, chacun avec sa propre coloration.
Collaboration et travail d’équipe
Pour 26% des répondants de l’étude Deloitte, le sens au travail est lié au travail d’équipe et je crois en effet profondément à l’apport de l’humain et du collectif dans le sens qu’on donne au travail. J’ai pour ma part travaillé dans une entreprise où la bienveillance et les valeurs humaines étaient si fortes qu’elles ont constitué les piliers d’une belle histoire qui m’a portée pendant des années, alors même que je vendais… des sodas.
Le piège : la reconnaissance
Travailler dans le but principal de recevoir des félicitation, c’est une erreur fréquente, notamment quand on est jeunes et qu’on souffre du syndrome “bon élève”, je peux en témoigner. Néanmoins, ma vision a changé le jour où j’ai compris ceci : carburer à la reconnaissance, c’est accepter de mettre son bien-être au travail entre les mains d’un autre. Un autre qui peut vous priver de reconnaissance du jour au lendemain, et c’est extrêmement dangereux.
AGIR POUR (RE) TROUVER DU SENS AU TRAVAIL
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L’éducation, tout au long de la vie
“Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d’eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson. On me répond: je suis médecin, je suis comptable…j’ajoute doucement: vous me comprenez mal. Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ? Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu’ils sont à ne pas attribuer d’importance à la vie qui bouge doucement en eux.”
Cette citation de Christiane Singer illustre bien la faille qui existe dans notre éducation actuelle : dès le plus jeune âge, on apprend à lire, à compter, puis à faire des dissertations et à choisir un emploi… Mais on ne nous a jamais appris à choisir ce que l’on avait envie d’être, d’incarner, au delà d’un métier. Je suis néanmoins convaincue que les générations futures ne passeront pas à côté de ces questions clés, et j’espère contribuer à construire cette brique manquante dans l’éducation.
La bonne nouvelle pour ceux qui ont quitté les bancs de l’école depuis longtemps, c’est que cet apprentissage peut, je crois, se faire tout au long de la vie. Pour peu qu’on accepte l’inconfort que l’on ressent quand on commence à se poser des questions nouvelles : qu’est ce que j’aime faire ? Ma situation m’épanouit-elle ? Quel équilibre mon travail m’apporte t-il ?
Agir par et pour soi même, c’est ce que propose par exemple le programme Chance, que j’expérimente en ce moment avec joie, et qui permet de descendre en soi pour se questionner. On parle beaucoup de reconversion professionnelle, qui est une voie difficile mais excitante, mais on peut aussi faire bouger les lignes et retrouver du sens au travail sans tout changer, en agissant sur sa façon de faire, ou ses conditions de travail, ou encore son lieu de travail.
La formation des managers
Pour 88% des cadres, performance et sens sont étroitement liés. (source étude Deloitte, 2017), ce qui fait du sens au travail une problématique centrale pour les entreprises.
Quel est le rôle du manager pour aider ses collaborateurs à construire une vision de leur travail qui a du sens pour eux ? Pour moi il est central. Or j’ai constaté que, souvent, les managers sont de bons professionnels qui se retrouvent promus à la tête d’une équipe, “jetés dans le grand bain” sans avoir toujours la formation adéquate. Il semble pourtant clé aujourd’hui de les former aux bonnes postures pour incarner les différents rôles attendus d’un manager :
- Relais de la vision et des objectifs de l’entreprise
- En charge de l’émulation de l’équipe et de la collaboration, qui est une véritable source de motivation pour les salariés.
- Leader de son équipe, qui contribue à la performance collective
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Le sens au travail me semble donc être une problématique clé de notre époque, qui doit être travaillée, discutée, prise à bras le corps par les employeurs pour faire émerger des valeurs et une mission d’entreprise qui inspirent et engagent les collaborateurs.
Néanmoins, je crois profondément que chacun est responsable individuellement, de décliner ensuite sa propre histoire et de trouver sa propre définition du sens au travail en choisissant sa vie, la boussole du plaisir aussi ancrée que possible dans la main.
Ces sujets me passionnent, et je serais très heureuse d’avoir votre point de vue : qu’en pensez-vous ?
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Très bon article et qui me parle complètement. C’est ce qui m’a toujours poussé à changer encore et encore. Un travail qui fasse sens pour nous est essentiel. Merci pour cet article 😊
Merci Mae ! Je suis inspirée par les gens qui, comme toi, savent se réinventer, encore et encore, avec courage.
Merci pour cet article sur le sens au travail. J’ai beaucoup apprécié la partie « l’histoire qu’on se raconte ». Je vois à quel point c’est vrai dans mon cas. Je vois également à quel point les enfants peuvent se sentir bien dans différentes situations en se racontant des histoires et en y intégrant la réalité.
Pour moi, trouver du sens au travail, c’est avant tout y trouver des aspects qui m’amusent…
Tu as tout à fait raison, les enfants sont impressionnants de justesse dans les histoires qu’ils se racontent, c’est toujours rafraîchissant de les écouter, et ça nous inspire à garder notre âme d’enfant pour continuer à s’amuser…
Merci pour cet article !
Je suis actuellement en pleine réflexion sur moi-même pour savoir vers où je souhaite aller professionnellement, alors ton article me parle beaucoup !
Merci 🙂
Bonjour Nath, ravie si cela t’aide dans ta réflexion, bon cheminement !
c’est un sujet très intéressant, mon avis personnelle la dessus, c’est que les personnes qui trouvent du sens à leur travail sont des gens qui aiment ce qu’il font, très peu trouvent du sens quad ils n’aiment pas leur travail.
Ce n’est que mon avis, en tout cas c’est un sujet qui me passionne également.
Je suis d’accord avec toi, et d’ailleurs ça me semble difficilement concevable de faire toute sa vie quelque chose que l’on aime pas. Je préfère continuer à chercher ma voie 🙂
Bonjour Laura.
J’ai bien aimé ton article.
Je connaissais pas le mot » bore out »- Travailler et attendre que le travail arrive, les journées sont longues et fatiguantes surtout.
Ce qui m’importe dans le sens du travail, c’est la bienveillance, d’être écouté, de partager, communiquer et créer une cohésion d’équipe, apporter notre savoir faire et en recevoir pour mieux les accomplir dans notre travail.
Vivre de ses grands rêves, rien n’est impossible.
Croire en soi et peu importe des jugements que l’on reçoit.
Notre réussite est notre fierté.
Au plaisir
Merci Steph ! Et oui, le bore-out est un peu moins connu mais il peut faire des ravages.
Tout à fait en phase avec toi sur les besoins de cohésion et de bienveillance au sein d’une équipe.
Bonjour Laura, merci pour cet article extrêmement pertinent. Le passage sur l’histoire qu’on se raconte est clé ! Il y a nos valeurs, celles de notre entreprise et ses produits, mais également les personnes du service dans lequel on travaille. Bizarrement, mes meilleurs périodes en entreprise étaient dans des secteurs bien éloignés de mes valeurs ou centres d’intérêt. Pourtant l’équipe faisait que je m’y sentais bien… Serions nous des êtres contradictoires ?!
Merci Vincent ! Je suis totalement en phase : ce que j’ai le plus aimé dans ma vie pro, c’était mes années Coca-Cola 🙂 Je crois qu’on est surtout des êtres…humains ! Et à ce titre c’est assez rassurant de voir que l’équipe, l’ambiance, les relations interpersonnelles sont notre premier critère de bien-être au travail.
Super article et très intéressant ! Ça me parle vraiment le côté de ce que l’on veut être avant ce que l’on veut faire. C’est une question que je me suis posée que très récemment suite à 2 déceptions professionnelles justement. Maintenant que je me suis posées ces questions, je me suis rendue compte que entrepreneuriat est la meilleure réponse pour moi
Merci Natacha ! J’arrive à peu près à la même conclusion que toi sur l’entrepreneuriat 🙂 Cela fait rêver de pouvoir créer son job, n’est ce pas ?
Merci Laura pour cet article dans lequel je me reconnais. Le sujet du sens du travail est un pivot du bon fonctionnement des entreprises … donc des collaborateurs.
Merci Eric ! Effectivement, c’est un cercle vertueux je crois : des collaborateurs qui vont bien, c’est une entreprise qui fonctionne bien à la clé ! Reste à en persuader toutes les boites 🙂